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A l’occasion de la présentation à Cent Papiers le 28 septembre 2014.

 

Bonjour à toutes et tous,

 

J’aurais aimé être présent lors de cette rencontre.

 

J’aurais aimé soutenir cette toute nouvelle maison d’édition qui, je le sais, sera éclectique, de qualité, publiant avec la même exigence des écrivains jusqu’alors très confidentiels (on sait que les tiroirs ont leurs secrets) et ceux qui le sont un peu moins. Il faut du courage pour se (re)lancer dans une aventure éditoriale, mais il faut aussi, et je tiens à le souligner, beaucoup de courage pour oser publier pour la première fois des poèmes où la personne de l’écrivain se joue entièrement. « Sans céder à cette facilité qui consiste à se raconter sans vergogne », écrivait Pirotte en évoquant Perros. J’aurais aimé pouvoir dire tout le bien que je pense de ce premier recueil qui, je l’espère, ne sera pas le dernier. Lorsque je lis les poèmes de Géraldine Jamart, je suis emporté dans le texte comme si ce texte était de chair. Je ne suis ni critique littéraire, ni « spécialiste » de quoi que ce soit, pardonnez donc certaines maladresses dans mes propos. Ce que je veux dire : on sent l’auteur (cette espèce d’unité que je ne sais pas définir), cette sorte de vérité presque inexplicable, ce travail ardu qu’on ne sent pas – la simplicité me semble être si difficile à atteindre que je ne peux que féliciter Géraldine Jamart, philosophe, de l’atteindre avec brio, clarté et sensibilité.

 

Je sais, ce sont des lieux communs. Sans doute. Mais je lis par les temps qui courent tellement de poèmes où le monde n’existe pas, le nombril est gros comme un volcan en éruption, et… je m’arrête là.

 

Je lis :

 

Tu pressentais sans doute,

que,

pour grandir,

pour ne pas regarder sa vie passer,

comme un train en marche

dans lequel on n’ose plus monter,

il te faudrait vivre avec la mort,

enfant.

 

(p. 68)

 

Il y a plusieurs motivations à l’écriture. Cette sensation en est une, que je partage, et que, la plupart du temps, les écrivains que j’aime vivent. Cet extrait vient d’ailleurs d’une partie du recueil ouverte par Henri Thomas – qui, dans ses poèmes, cherche d’autres séjours. Le « mouvement » de la vie est là, page après page, thématique après thématique, tout s’enlace, s’entremêle, se rejoint, sans jamais qu’il y aie de dispersion. Ce sont des poèmes condensés, qui, comme Géraldine Jamart cite en exergue le ‘sieur Lacan, évoquent (p. 23). Pas d’explication, pas de justification, pas de rationalisation ici, mais le dessin d’instants narrés qui ressemblent parfois à un croquis de peintre.

 

Fouiller, se fouiller, se dénuder, au plus près, et le partager, ne fût-ce qu’à soi-même si les tiroirs restent fermés, ne peut se passer d’un langage, et trouver sa propre langue, et reconstruire quelque chose qui pourrait s’appeler en poésie. On ne sait pas ce qu’elle est, mais on apprend à savoir ce qu’elle n’est pas ; Géraldine Jamart n’est pas une faussaire, elle n’a pas de posture de poète : elle a une position.

 

J’ai sans doute été un peu long, un peu trop théorique, et si j’étais présent ce dimanche je lirais volontiers plusieurs passage qui sont loin d’être anodins, ou, plutôt, j’aimerais entendre la propre voix de Géraldine Jamart lire des poèmes qu’on redécouvre à chaque lecture. Le sens n’est jamais unique, fermé, dirigé.

 

Pour terminer, voici les presque deux derniers vers du recueil (qui se clos par un magnifique poème):

 

J’aime l’échappée belle

des mots et des mains.

 

(p. 71)

 

Mots, corps, mémoire, main, peau, soi, les autres, - et le regard.

 

Et le regard.

 

Je remercie Daniel Simon pour le beau cadeau qu’il m’a fait en me faisant découvrir cette poétesse généreuse, et, à mon tour, je dépose mon doute sur la table (p. 16) et je prendrai le train / sans le dire à personne (p. 17).

 

Je remercie aussi Géraldine Jamart d’avoir franchi ce pas, et espère qu’elle ne s’arrêtera pas là. Les vrais poètes se font de plus en plus rares. Simplicité et modestie, poésie évocatrice, où il se passe quelque chose dans les césures, les blancs, les espaces, les visions, que l’organisation travaillée des vers qui ouvre vers des visions multiples.

 

Je salue les deux auteurs, que je connais, mais que je n’ai pas encore eu l’occasion de lire, et vous souhaite à tous une superbe rencontre.

 

Très cordialement, amicalement, et j’espère avec connivence,

 

Eric Piette

Train Bruxelles – Paris, septembre 2014.

 

Eric Piette à la Librairie Cent Papiers lors des Feuillets de corde consacrés à Olivier Terwagne...Photo Claude Martin

Eric Piette à la Librairie Cent Papiers lors des Feuillets de corde consacrés à Olivier Terwagne...Photo Claude Martin

Lecture de "Soif de vie" par Eric Piette...
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