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Italie-Belgique : 1-1

Lorenzo CECCHI,Comme un tango, préface Patrick Delperdange, Traverse, 2021, 285 p., 20 €, ISBN : 978-2-93078-339-0  

cecchi comme un tangoLes auteurs belges francophones issus des familles italiennes qui ont émigré en Belgique à la moitié du 20e siècle ont marqué notre patrimoine littéraire d’une empreinte forte. Ils nous ont donné des œuvres qui font désormais partie de notre bien commun et dont la valeur n’est plus à démontrer. Lorenzo Cecchi est au nombre de ceux-ci et le dixième ouvrage qu’il nous livre aujourd’hui, qui comporte deux parties distinctes,  y apporte une note spécifique.

Se fondant essentiellement sur son expérience personnelle, il nous relate dans Comme un tango l’histoire sa famille de 1947 à 1974. Celle de ses parents, Osvaldo et Mirella, avant leur départ de leur région natale des Marches pour la Belgique, alors qu’ils vivaient de débrouille sans espoir de sortir de leur condition. Leur vie de courage et de labeur sera marquée tout au long par le travail de la mine, par la maladie, Osvaldo décédant à moins de cinquante ans des suites de la silicose. Mais au cours de son existence trop courte, ce dernier n’aura de cesse de déployer une énergie et une créativité qui forcent le respect pour améliorer sa condition et celle de sa famille. L’auteur fait appel à ses souvenirs les plus précis pour faire revivre l’ambiance de la petite ferme familiale de la banlieue de Charleroi, de la fabrication de la porchetta et du peccorino que l’on se pressait de venir y acheter. Cette culture du labeur, ce plaisir du travail bien fait, elle sera aussi celle de Vincenzo, le narrateur, qui multiplie les métiers pour améliorer son quotidien. Ses prestations de serveur dans des bars nous valent de belles pages sur les métiers de la nuit.

Mais le fil conducteur de ces destins, c’est avant tout la richesse des relations familiales et amicales, la belle entraide déployée pour faire face aux coups durs, pour faire la fête ensemble, pour s’occuper des enfants et des plus âgés. Même si les rapports hommes-femmes sont souvent abrupts, tout comme l’éducation donnée aux enfants, le sixties se chargent peu à peu de bousculer les habitudes et de donner une furieuse envie de liberté qui remise une à une les contraintes les plus contestables des traditions.

La seconde partie, intitulée « Sophia », porte sur les années 1975 à 2019 et elle traite essentiellement des activités professionnelles du narrateur, professeur dans une école des Beaux-Arts. Il y narre sa vie avec ses compagnes successives, son départ vers le Brabant wallon, mais aussi et surtout ses aventures avec ses amis artistes, qui vont de projet en projet et comptent sur l’amitié pour éponger les débours et assurer le couvert.

Lorenzo Cecchi est fin conteur.  Il a un sens évident de l’anecdote qui fait mouche et il dresse une galerie de personnages attachants, hauts en couleurs. Sa vision du monde est teintée d’une tendresse pour les siens qui ne l’empêche nullement d’en décrire la part plus sombre et les revers subis. Cet album personnel et sensible est doublé d’une vision des choses guidée par la formation de sociologue de l’auteur, qui lui fait prendre de la hauteur sans toutefois rompre le charme du récit. Notamment dans la finesse avec laquelle il parle de ses racines italiennes qui coexistent avec son attachement viscéral à la région de Charleroi. Aussi disposons-nous également du portrait d’une époque, des modifications qui imprègnent la société, notamment dans un contexte d’immigration. Et si on y ajoute que l’écriture est soignée et élégante sans être précieuse, on ne peut que conclure que nous tenons en mains une véritable œuvre littéraire dans laquelle bien des lecteurs retrouveront l’écho d’une part de leur propre histoire.

Thierry Detienne

 

https://le-carnet-et-les-instants.net/2021/11/28/cecchi-comme-un-tango/#more-43720

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