Comme un tango – Lorenzo Cecchi – Éditions Traverse – 2021 – ISBN 9782930783390

Bon sang !

En quatrième de couverture je découvre en bas de page « Préface de Patrick Delperdange », un de mes amis qui plus est !

D’emblée, mon sang ne fait qu’un tour et je zappe cette sempiternelle brosse à reluire destinée à faire passer la couleuvre. Bien mal m’en prit et j’y reviendrai très rapidement.

*

Quand je démarre mes « Causeries », je demande souvent à mon invité s’il a le souvenir du maître, de l’instituteur ou du professeur qui…

Dès les premières lignes, en exorde, Cecchi parle de cet homme qui lui a confié quelques écus de langue française.

La suite nous révèlera que le jeune Lorenzo ne les gaspilla pas.

Tout de suite, un piaillement de mots vous remémore ces voix du sud qui attirèrent l’attention du jeune Carolo que j’étais. Ces gens se rencontraient, se retrouvaient, se racontaient les souvenirs du pays. L’Italie.

Je ris encore de cette blague qui circulait dans les années soixante. Elle racontait le retour précipité d’un immigré italien qui, en débarquant à la gare de Charleroi, vit sur l’autre rive de la Sambre une boutique à l’enseigne : Chemiserie ». Ce qui se lit en italien : « Che miserie ! », « Quelles misères ! ».

Il faut vraiment être natif du cru pour se remémorer cette interprétation.

Mais j’étais, moi, d’un autre coin de l’agglomération, de Gohyssart. Un quartier proche de La Docherie. Peu reluisant !

Heureusement les années des hautes classes me rapprochèrent de la ville et de sa faune. Cinémas, dancings, tavernes nous ouvraient les bras. Et dans les pages qui défilent agréablement, toute une époque ressurgit. J’ai rencontré et ensuite épousé une jeune fille de la rue des Fougères, près de la place du Transvaal. Bon, d’accord, c’est Couillet, et non Marcinelle. La Grande Chenevière, ses pâturages, sa ferme, le roulement des rrrrrr de l’ami Gilbert, retrouvé par la suite au Kiwanis,  les boudins de Wattiaux, tout s’anime au fil des pages.

Vandorpe et ses haltères, Jean-Pierre et ses raquettes de tennis (il avait épousé la fille d’un « figaro » réputé de la ville), Franco son beau-frère, tous nous nous retrouvions la nuit pour un bon steak au Bilboquet place Buisset.

Au fil des pages, Lorenzo Cecchi nous fait revivre tant de souvenirs, décrit avec émotion les échos de conversations que ces chichos entretenaient entre eux et que nous partagions que je me précipite sans hésiter pour découvrir la préface de Patrick Delperdange.

Et là, je suis tout époustouflé par tant de réserve, de pudeur. Il aborde l’ouvrage de Lorenzo Cecchi avec objectivité. Il n’en remet pas. Je reconnais toute la justesse d’analyse de l’écrivain Delperdange. Sans concession. C’est vrai, il devrait y avoir une justice littéraire. Comme un tango est ouvrage de sociologie. Une entrée dans l’intimité d’une population qui faisait son nid, parfois dans les anciens camps de prisonniers allemands. Mais très vite, tandis que la mamma mettait la main à la pâte, le père prenait la brique en main pour donner la meilleure assise à leur jeune famille. Oui de oui, Monsieur Delperdange, s’il n’y a dans l’ouvrage de Lorenzo Cecchi que des personnages ordinaires, la plume de l’auteur les revêt d’un panache de fierté. Vous m’avez, cher ami, réconcilié avec la bonne et juste préface.

Moi aussi, je ne retourne à Charleroi qu’épisodiquement. D’autres horizons se sont ouverts. Mais ces deux cent quatre-vingt pages sont comme les phares de cette mémoire qu’entretient un écrivain qui manie la plume dans une gestuelle de mots qui vous emporte dans une envolée littéraire bien enrichissante !

Du bon sel au fil de pages !