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TOUTES RESSEMBLANCES de GUY STUCKENS (Ed. Traverse) / La lecture de JEAN-PIERRE LEGRAND

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Guy Stuckens est un touche-à-tout artistique. Sur le plan littéraire, il est l’auteur de déjà nombreux ouvrages : plaquettes de textes fictionnels, poétiques ou encore théoriques consacrés notamment au Mail art dont il est l’un des principaux représentants en Belgique.

Toutes ressemblances est un recueil de récits.
Rédigés à la première ou à la troisième personne selon le cas, les treize textes qui le composent témoignent d’une inspiration éclectique. Si Je comme Il sont toujours un autre, ils manifestent partout la trace d’un vécu personnel ou de l’histoire familiale.

Les deux premiers textes Un auteur fait son cinéma et Mémoires des ressemblances nous dévoilent l’origine du désir d’écrire de Guy Stuckens et sa vision très ouverte de l’art. Il écrit : « Une photo rappelle des souvenirs. J’ai commencé à écrire pour les mêmes raisons : pour pouvoir me relire sans prétention. Par après m’est venue l’idée de partager… avec qui peut bien être intéressé. ». Le partage : comme les cailloux du petit Poucet. Que d’autres ramassent et sèment à leur tour. Le projet du Mail art en somme…

A la guerre comme à la guerre s’ouvre sur une épigraphe de Jacques Prévert que chacun devrait méditer en ces temps de fougueux bellicisme : « La guerre serait un bienfait des dieux si elle ne tuait que les professionnels ». Le texte est un subtil va-et-vient entre la première et la seconde guerre mondiale via le regard des petites gens qui l’ont vécue comme combattants ou comme réfugiés. Tragédie sans cesse recommencée et avertissement toujours d’actualité : « En grattant un peu : chaque famille a connu, en son sein, des personnes qui ont dû trouver refuge à l’étranger, principalement pour cause de guerre, mais aussi pour simplement pouvoir vivre dignement. » À ce récit répond Enfin qui évoque la libération de Bruxelles le 3 septembre 1944 et, avant cela, la clandestinité forcée du narrateur qui se cache pour échapper au STO. Il n’est pas résistant mais réfractaire. Autre façon de résister, de s’opposer et de ne pas collaborer. Les armes ne sont pas tout. Ces deux textes sont les plus longs du recueil. Nul doute qu’ils portent l’empreinte de l’engagement de l’auteur pour la paix, lui qui, sur Radio Air Libre anime depuis plus de quarante ans l’émission La musique adoucit les mœurs, dédiée à la recherche de la paix. Ces récits de guerre offrent une parenté inattendue avec la nouvelle À l’Amigo, du surnom dérisoire des cachots du commissariat central de Bruxelles voisin de l’hôtel de luxe du même nom. Dans une veine que je pressens très autobiographique, ce récit relate les tribulations d’un militant pacifiste arrêté arbitrairement pour avoir distribué ses tracts durant une fête militaire. Le pauvre n’est pas rancunier. A ses yeux, les policiers sont des hommes comme les autres, peu enclins à courir des risques inutiles : « arrêter des pacifistes et des non-violents c’est moins dangereux que de courir après des criminels ». Dans un autre genre, cela rappelle l’esprit de Buffet froid de Bertrand Blier : ne pas arrêter les coupables de peur qu’ils ne contaminent les innocents en prison. Bon, le trait est un peu forcé mais quand même…
Cette arrestation arbitraire qui finit bien ricoche sur une autre qui finit mal : Noir, c’est noir. Mais ici, dieu merci, nous sommes dans la pure fiction puisque, criblé de balles, le narrateur-auteur perd tout son sang et est sans doute mort à l’heure où j’écris cette chronique.

Un autre texte est encore à lire entre les lignes : La bibliothèque. Un original a transformé sa maison en bibliothèque idéale. Sorte de musée littéraire, mouroir des livres qu’il ne lira sans doute jamais. Le narrateur lui rend visite. La suite est délectable et traduit une aversion pour toutes les nécropoles de l’art.

Deux autres récits Le harpon de cupidon et Nasir… et ses femmes évoquent les turpitudes de l’amour sur fond de misère ; un troisième (Donc il s’est tué) la déchéance de l’alcoolisme. C’est sobre, sans jugement ni leçon de morale.

Acte III, plus faible est précédé du détonnant L’Echappée belle, une pochade écolo-drolatique où des vaches pétomanes alimentent une société gazière. On se frotte les yeux mais on n’a pas tout-à-fait rêvé. L’auteur s’est basé sur un projet réel.

Le recueil se termine sur un clin d’œil à Radio Air Libre sur laquelle Guy Stuckens officie depuis si longtemps.

Toutes ressemblances se lit très agréablement même si on relève quelques coquilles.
Ces différents textes nous en disent bien plus qu’il n’y paraît au premier abord. Leur écriture simple et aisée est le reflet de l’auteur que je côtoie maintenant depuis plusieurs années dans son émission « Les rencontres littéraires de Radio Air Libre ».

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Guy Stuckens – Toutes ressemblances, Ed. Traverse, 2023 (138p., 15€)

Le livre sur le blog des Editions Traverse

Le livre sur le blog des Editeurs Singuliers

 

https://lesbellesphrases264473161.wordpress.com/2023/02/15/toutes-ressemblances-de-guy-stuckens-ed-traverse-la-lecture-de-jean-pierre-legrand/

 

Merci!

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