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Ce rêve étrange et pénétrant

Tristan ALLEMAN, Amériques, Traverse, 135 p., ISBN : 9782930783468

alleman amériquesTristan Alleman publie des ouvrages poétiques et des recueils de nouvelles depuis une vingtaine d’années et voici qu’il nous donne un premier roman qui ne renie rien de l’identité littéraire qu’il a construite au fil du temps et qui lui a valu d’être remarqué par des lecteurs exigeants.

Les premières pages nous entraînent tout de go vers la destination annoncée dans le titre : nous sommes dans le Mississipi, sur le pont d’un steamer, nous apercevons des acteurs légendaires et nous emboitons le pas de Mozel pour ne plus le quitter au fil de ses errances entrecoupées de rencontres avec Humphrey Bogart, Cary Grant, Rita Hayworth et l’inévitable Marylin Monroe avec lesquels il devise et partage des flacons de Mandarine-Napoléon à la teinte exquise. Marchant dans la bruine, Mozel se sent suivi, c’est un taxi qui lui ouvre ses portes et l’invite à prendre place derrière le volant. Le temps pour lui de laisser monter une jeune femme qui s’assoupit bientôt, lui laissant le loisir de l’observer et de tomber sous son charme. Jusqu’à ce qu’elle s’éveille et demande à descendre, laissant le souvenir tenace de son parfum.  Cette rencontre éphémère en rejoint d’autres, plus anciennes, auxquelles elle se superpose. Parmi celles-ci, la silhouette de Françoise occupe la place de choix qui revient aux amours contrariées. Et puis il y a Auréliane, bien réelle et présente, qui les rassemble toutes, mais dont la proximité estompe la magie. En l’aimant, il les retrouve, ni tout à fait mêmes, ni tout à fait autres, Amériques de tous ses rêves.

Il y a des échos de L’écume des jours dans ce roman où la réalité se distend pour mieux épouser les sentiments. Ici, le ruban des routes se déroule sous vos pas, les personnages viennent et disparaissent, on fabrique du parfum à partir des corps amoureux :

La valise. Un flacon. Un parfum. Elle enroula un pétale humide sur sa hanche encore tiède, vint l’éponger sur l’ombre de Mozel et l’infiltra précieusement entre les reins inassouvis de la fiole. Puis, cristalline, brumisante, une larme perla sur la joue d’Auréliane, perla sur sa peau florale, perla jusqu’au fond de la petite bouteille et imprégna le parfum. Une larme d’Auréliane. 

Les mots ne sont pas en reste dans cette équipée improbable dont ils sont le premier ingrédient : les néologismes fusent, les prénoms évoluent dans leurs sonorités et leur graphie. Inventive et hardie, l’écriture pousse les images au bout de leurs possibilités, libérant des métaphores inédites et audacieuses qui offrent un écho polyphonique à ce récit dont la plume libre ravira très certainement les inconditionnels de la langue française.  

Thierry Detienne

Plus d’information

https://editionstraverse.over-blog.com/2024/11/nouveaute-de-novembre-ameriques-de-tristan-alleman-roman.html

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